Musée précolombien, en plein centre de Santiago. De l’extérieur rien de très original. A l’intérieur, sous le bâtiment, la requalification par l’architecte Smiljan Radic est stupéfiante.
« La première chose qui me frappe c’est la réussite de la scénographie du bâtiment. Je trouve qu’on rentre dans une histoire, tu vois. On rentre dans un passé. La scénographie, tout comme l’architecture, est très réussie ici parce qu’elle rentre en résonance à la fois avec le contenu de l’exposition et à la fois avec l’histoire du bâtiment.
- Pourquoi est-ce que ça rentre en résonance ?
- Toute cette partie précolombienne très ancienne -et qui est la nouvelle partie du bâtiment, est traitée dans une seule matière très noire, très dépouillée, qui contraste avec l’accueil du patio qui lui est dans un bâtiment existant, où tout est traité en blanc, où tout est très lumineux, très accueillant. En fait, cet escalier permet de « rentrer dans l’histoire ». On pénètre dans une espèce de grotte, on descend dans les entrailles du musée. On accède aux salles du sous-sol par ce magnifique escalier qui au premier abord ressemble à une sorte de ruban un peu anguleux, assez léger. Plus on descend, plus l’éclairage global diminue, progressivement, jusqu’à ce qu’on arrive dans cette grotte très peu éclairée, toute noire, où l’on ne voit presque plus que les œuvres précolombiennes. Je trouve que cette transition est très réussie, tout comme le travail de la matière de l’escalier.
Un seul matériau est utilisé, un béton ciré noir, décliné de différentes manières sur le sol et les murs. Les murs sont mats mais le sol a été poncé, ce qui fait ressortir les granulats et lui donne une finition brillante. Les bandes antidérapantes des marches sont traitées comme si elles avaient été bouchardées, ça leur donne un côté rugueux qui contraste agréablement avec l’aspect lisse de la marche, tout en restant dans la même matière…
Ce que j’aimais bien, c’est que la seule source d’éclairage de l’escalier est donnée par la main courante, ce qui produit un effet très particulier, c’est-à-dire que les marches sont bien éclairées, on les voit bien, mais au-dessus de notre bassin tout est noir. Du coup, on a l’impression d’être un peu coupé en deux, comme si on était dans une nuit…
- La nuit du temps…
- On est dans la nuit au niveau de notre tête. Au niveau des pieds, on voit où on met les pieds. Ça crée une sorte de dichotomie dans la perception de l’espace qui est un peu dérangeante mais qui fait partie de la scénographie. J’ai eu le sentiment en descendant dans cet escalier que c’était un passage, comme si mon esprit était mort mais que mon corps avançait. On sent vraiment qu’on rentre dans quelque chose d’important, de grave.
- Dans la perception, c’est presqu’un mémorial …
- Oui, il y a un côté un peu funéraire... C’est une grande salle très haute, d’au moins 10 mètres de haut, et pourtant ils ont quand même réussi à ne pas tomber dans le piège de l’enfermement grâce à des ouvertures zénithales qui sont positionnées à chaque extrémité de la salle. C’est important parce que grâce à cette lumière t’as pas l’impression d’être enfermé dans le tombeau d’une pyramide... Cependant cette obscurité fonctionne très bien parce que parmi les objets exposés il y a beaucoup de poteries, il y a des tons bruns donc les éclairages des poteries ou des sculptures en bois donnent un très joli avec le noir, c’est très graphique. »
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