En se baladant à San Martin de los Andes, en direction du petit croissant de plage que forme le haut du lac Lácar, un bâtiment avait attiré notre attention. Plus tard, assis dans un café, nous en rediscutons.
« Qu’est-ce que tu aimes bien dans la maison que tu as pris en photo sous toutes les coutures ?
- Ce que j’aime bien c’est le travail de la façade. Une façade en mur-rideau, c’est-à-dire que le verre est pris entre des montants verticaux qui vont du sol au plafond.
- Les montants sont intérieurs et extérieurs ?
- Non, le mur rideau, c’est une technique constructive particulière, c’est-à-dire qu’au lieu de faire des cadres classiques et de mettre ensuite un châssis avec un dormant et un ouvrant, un ouvrant qui est rapporté contre tes ossatures, là en fait ce sont des madriers verticaux structurels, qui soutiennent le mur et sont à la fois les dormants contre lesquels est rapporté directement le verre.
Ce qui est intéressant dans le mur-rideau, c’est que ça libère complètement le poids du mur, le poids de la maison ; ça donne une grande impression de légèreté parce que d’un seul coup, je trouve que ça porte bien son nom d’ailleurs, ce qui fait enveloppe devient rideau, devient quelque chose de léger, qui pourrait bouger. Ça donne un aspect plus léger parce que l’épaisseur apparente de la fenêtre est beaucoup moins importante que dans une fenêtre classique. Là où dans ce bâtiment c’est très réussi, c’est que l’architecte a intégré des châssis ouvrants à hauteur d’homme qui se déploient sur l’extérieur comme un oscillo-battant à l’envers et ça, répété de manière systématique, dans chaque travée. Du coup ça recrée deux lignes horizontales, celles des ouvrants, mais comme certaines fenêtres étaient ouvertes quand nous sommes passés, ça donnait l’impression que la façade bougeait, comme un rideau dans le vent justement.
La thématique du rideau est aussi vraiment poussée car la façade est courbe. Cette maison d’ailleurs est en deux parties, si tu te souviens ; il y a deux pignons qui donnent sur la rue, deux pignons décalés, et chacun a sa propre courbe qui croise celle de l’autre… courbe qui est rappelée dans la forme de l'auvent extérieur en plus, et qui forme l’entrée du commerce. C’est véritablement comme un rideau qui s’écarte pour mieux t’inviter à entrer…
- C’est assez humble comme architecture, en plus.
- Oui, il y a un côté très simple, avec une économie de moyens, une économie de matière. Il y a seulement du bois. C’est une ossature bois, et c’est seulement un travail sur le détail de menuiserie, finalement très peu sur la volumétrie : il y a juste un léger travail de décroché, de courbe et de contre-courbe mais assez subtil, et qui entre bien dans l’idée du voile qui se fait légèrement soulever.
Ça ne rompt pas avec l’harmonie du tissu urbain, avec ces maisons assez « pignon-sur-rue », mais ce bâtiment a quand même une frontalité assumée. Il forme une transition souple avec l’espace public, ce qui est bien amené, je trouve.
- D’ailleurs ça laisse une petite terrasse devant…
- Oui, parce que quelque-part l’implantation est un peu ingrate. C’est un commerce et pourtant le bâtiment n’est pas dans un angle, il est situé un peu en retrait de la rue principale. Y’a rien à côté, on enchaîne tout de suite avec du résidentiel. T’es face à une place un peu trop large… d’ailleurs comme la place était un peu trop large ils ont mis des grands arbres devant ce qui qui cache d’autant plus l’emplacement et dissimule le bâtiment. Ce qui fait que ce bâtiment est un peu dans un entre-deux de ville sans consistance.
Mais tu vois, de loin je l’ai tout de suite remarqué, j’ai tout de suite eu envie de venir. Du fait de ce travail sur la façade. Et du fait de la lumière qui jouait sur le vitrage, sur chaque vitre de manière différente. Quand tu as une légère courbe comme ça, tu as toujours un petit reflet dans l’un des vitrages, car il y a toujours un angle un peu différent… »
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