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Kiwi design

 

Architecte : Sebastián Irarrázaval

 

Année de réalisation : 2010

Fonction : Etablissement d'enseignement supérieur

C'est le principe d'un concept : rendre intelligible quelque chose qui nous dépasse.

A côté de l’Ecole d’Architecture, un bâtiment massif recouvert de plaques d’acier Corten. C’est l’école de design, bâtiment tout aussi remarquable -à tel point que nous l’avions déjà repéré longtemps avant… à partir du téléphérique qui mène au Cerro San Cristobal.

 

« Ce que je trouve intéressant c’est que ce bâtiment est travaillé comme une masse découpée. Un peu comme s’ils étaient partis d’une masse, d’un cube, taillé et ciselé au couteau. Ce que j’aime particulièrement, c’est cette cohérence du parti architectural aussi bien dans la typologie que dans les morphologies, les matières.

- Je te suis pas trop là…

- Ce que je veux dire, c’est qu’ils sont partis de ce concept de base du volume découpé, et que c’est devenu le fil directeur. Et pour moi c’est à ça qu’on reconnaît un bon concept en architecture, c’est que la forme découle du concept et non l’inverse. Le concept devient alors une ligne directrice qui se décline dans tous les aspects du projet, et donne une cohérence au bâtiment. Ça lui donne une personnalité, un caractère unique qui s’imprime dans l’inconscient de chacun.

- Et à quoi tu vois que le concept est décliné ici ?

- Ici, tu vois que cette idée de trancher génère des failles, des interstices - escaliers, mini patios, coursives, qui permettent d’apporter de la lumière aux salles de cours. C’est la première déclinaison en termes de typologie. On le retrouve ensuite dans les matières et la morphologie de la façade, avec le détail des .

- C’est quoi les tableaux ?

- Les tableaux ce sont les embrasures des fenêtres, qui sont traitées en bois et qui contrastent avec l’acier Corten extérieur. Tu vois il y a un peu cette idée de matière coupée, ça renforce ce concept de volume cisaillé. C’est-à-dire que la matière est utilisée comme une peau sur le volume de base, mais quand on le tranche, l’intérieur est différent. Un peu comme quand tu coupes un kiwi si tu veux. L’extérieur est complètement en contraste avec l’intérieur.

- J'adore ta comparaison gourmande avec le kiwi... Ça permet de bien mieux comprendre cette idée...

- C’est le principe d’un concept : rendre intelligible quelque chose d’une complexité qui nous dépasse. Mais encore faut-il réussir à dépasser la simplicité initiale apparente de l’idée fondatrice. Là, tu vois qu’ils ont travaillé sur des trames de largeur différente : ainsi les ambiances lumineuses de chaque travée varient, ce qui qualifie les espaces, leur donnant une personnalité qui leur est propre. Ces travées sont systématiquement traversantes ce qui permet de circuler très librement et de fluidifier les circulations. En même temps, elles ne sont pas trop exposées à la lumière donc pour de l’enseignement c’est idéal, c’est très bien adapté, on ne veut pas avoir de lumière trop dure dans les salles de cours.

-C’est un peu minéral quand même…

-C’est très minéral, oui… et sans couleur… Quand j’avais l’œil dans le viseur de l’appareil photo, je ne savais même plus si j’étais en noir et blanc ou en couleur ! L’extincteur rouge était le seul indice qui m’a rappelé que j’étais en couleur ! Ce bâtiment est sans couleur, c’est vraiment un travail sur la matière.

(…)

- Et puis là, il y a un travail très intéressant sur le seuil. J’aime bien cette attention prêtée aux transitions entre l’intérieur et l’extérieur. Pour une école où les élèves et les profs changent d’espace toutes les heures, c’est une petite attention qui a son importance. Tu vois, il y a toute une progression dans la manière dont tu rentres dans le bâtiment : on doit passer par un seuil très marqué. Tu passes à travers cet , qui te fait passer de l’extérieur vers l’intérieur. Mais à ce moment-là tu es seulement entre les travées, tu es rentré sans l’être encore réellement puisque tu es dans une petite cour ouverte qui sert d’espace intermédiaire. Ensuite tu as de nouveau un pour entrer dans chaque bâtiment, mais tu n’y pénètres toujours pas réellement. Tu débouches dans un sas, dans un entre-deux, qui est traité en bois et qui contraste beaucoup avec le traitement minéral extérieur, en béton banché –rappel du concept initial. Ce couloir tout en bois, c’est très agréable, c’est chaleureux. C’est après ce sas que tu peux enfin accéder aux salles de cours. Tout cela crée un bel effet de progression, une impression de suspens, comme si le temps et l’espace se dilataient pour te faire entrer en condition. Et c’est mis en valeur à travers l’organisation de l’espace et l’utilisation de matériaux différents (béton, métal froid, bois chaud).

(…)

- Globalement il y a un soin apporté aux détails, même s’il y a quelques petits ratés ça-et-là, comme notamment le détail du , qui n’est pas très propre. Tu vois, il y a encore des restes, on peut voir les entretoises… ça, il aurait suffi de mettre une cornière en bas pour cacher tout ça et ça aurait été nickel. Alors que là on voit tous les départs de panneaux qui sont pas tout à fait calés, et c’est bien dommage. Le problème c’est que quand tu es minimaliste, surtout avec un côté très brut comme ici, très raw, tu n’as pas le droit à l’erreur. Parce que la moindre malfaçon se voit beaucoup, et parce que c’est ce genre de détail qui fait la bascule entre un bâtiment fade et un bâtiment exceptionnel de simplicité. Ici, on est dans l’essence de la matière, c’est brutal presque. Et c’est d’autant plus important de soigner ce genre de petit détail. »

 
 
 
larchicolin
Colin Verney
larchicolin@gmail.com

Architecte en itinérance autour du monde, à la recherche de petites perles laissées par ses confrères.

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