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Hôtel Fauna

 

Architectes : Fantuzzi + Rodillo Arquitectos

 

Année de réalisation : 2012

Fonction : Hôtel - restaurant

Trancher le volume. C'est à partir de ce geste là que tout l'hôtel est articulé.

En plein cœur du Valparaiso historique et touristique, l’hôtel Fauna nous a séduits. Bar rooftop et hôtel travaillé. Au début, la visite du bar ne m’avait pas tout à fait convaincue, mais c’est en découvrant le reste du bâtiment, notamment la partie hôtel, que j’ai pris conscience de son intérêt réel du point de vue architectural.

 

Le bar Fauna

 

« Le nombre de personnes qui se sont approchées du bord de la terrasse, qui ont sorti leur smartphone et qui ont pris un panorama extérieur montre que c’est ça la réussite principale de ce lieu, c’est sa vue unique. On est vraiment à un emplacement idéal : à la fois ancré dans la colline derrière, au milieu des petites maisons, le long d’une ruelle et d’un seul coup on arrive dans cet endroit en surplomb par rapport au reste de la ville et on découvre un panorama à 270°. A notre gauche des petites maisons typiques, puis un bâtiment pseudo industrialo-classique un peu steampunk sur les bords, qui enchaine avec l’église luthérienne, emblème de Valparaiso, puis la mer, puis les collines aux alentours qui croulent sous les petites maisons. Il y avait une chose à réussir c’était la vue… et ils l’ont réussie !

 

Mais si c’est aussi réussi, c’est parce que le plafond est à 3,5m de hauteur, et ça c’est crucial dans la perception de l’espace. Ce qui est également très réussi c’est qu’ils ont trouvé un système pour avoir une projection intérieur-extérieur entre la salle et la terrasse. Le sol est tout à fait continu donc c’est extrêmement fluide, il y a un système très discret de brise-soleil qui prolonge l’espace. On est complètement projeté sur l’extérieur. L’articulation du bar, du patio, des grands vitrages est très réussie, il y a une grande finesse. Mais certaines choses qui ont été mises en œuvre dans la conception ne sont pas très efficaces, le faux plafond en particulier. Ils ont fait un sur le faux-plafond qui n’est pas du tout à l’échelle, qu’on ne voit pas. On sent qu’ils se sont dit : qu’est-ce qu’on peut apporter de plus à ce lieu ? Malgré cela, ils n’ont pas réussi à lui donner une véritable plus-value en dehors de la vue. Ça aurait été plus intéressant qu’ils travaillent sur les détails du mobilier parce que les chaises en plastique sont un peu cheap.

 

Au-delà de cette impression, ce qui est assez terrible c’est que finalement c’est pas fait avec tant de brio que ça, c’est-à-dire que le garde-corps est bien mais sans plus. Ils sont restés sur des matériaux très simples et le bois donne un côté chaleureux. Mais on a rien à dire sur quoi que ce soit. On est dans un lieu où on est bien, on se sent exceptionnel, on est dans un lieu unique, mais l’architecture n’est pas tellement exceptionnelle en soi, elle reste discrète.
On peut se demander s’ils n’ont pas échoué à être au niveau du lieu…
Ils n’ont pas réussi à faire quelque chose de suffisamment mémorable -parce que les gens qui viennent ici vont se souvenir uniquement de la vue mais pas de l’architecture. Dans un restaurant/bar, c’est bien qu’il y ait un élément marquant pour que les gens puissent se dire : « ah oui ! ça c‘est l’endroit où il y a une pergola vraiment superbe ! » ou « Le bar est vraiment incroyable et en plus on est dans un lieu qui a une vue superbe ! ». Là justement c’est un peu ça qui manque, c’est que c’est sympa, mais ça s’arrête là. Mais c’est déjà bien. C’est déjà bien de ne pas avoir fait de grosses fautes, que le lieu soit bien agencé, que les proportions soient bonnes. »

 

L’hôtel Fauna

« Ce que je trouve extrêmement intéressant c’est la manière dont ils ont cisaillé ce volume. Ils sont partis d’un volume très simple, le parallélépipède, et ont eu le geste fort de le trancher transversalement. C’est à partir de ce geste-là que tout l’hôtel est articulé.
Tout tourne autour de cet escalier magnifique et monumental, de cet acier qui se retourne et qui fait à la fois garde-corps, limon et bardage. C’est vraiment très réussi. Le bardage vient accompagner toute la distribution des espaces et devient un fil directeur. Il y a cette idée ingénieuse de récupérer de la lumière par le biais du patio en créant des sur la paroi métallique. C’est très réussi spatialement et c’est futé parce que ça permet vraisemblablement d’amener de la lumière dans les salles de bain qui, sinon, en seraient dépourvues.

On est vraiment dans une opération assez subtile car l’escalier permet de venir distribuer de manière très naturelle toutes les chambres qui bénéficient ainsi d’une vue maximale sur la baie. L’escalier est également à-même les contreforts de la colline, qui sont aussi très bien exploités.

- On a presque l’impression d’être sur un bateau...

- Oui, il y a un côté ponton, bateau, on est dans une esthétique marine qui répond très bien à l’esprit de Valparaiso. Ce qui rajoute une grande élégance au lieu ce sont ces hauteurs de portes. Les portes mesurent 2,80 m de haut, ce qui donne vraiment la sensation d’être dans un standing plus important. La hauteur sous plafond c’est ce petit détail qui fait la différence et c’est une constante à tous les niveaux.

Ils arrivent également remarquablement bien à apporter de la lumière jusqu’en bas alors que c’était très difficile parce qu’on est dans la colline. Il y a un grand soin apporté aux matières, ce qui donne un endroit à la fois chaleureux, accueillant et à la fois tamisé. Le traitement de l’acier, mêlé au bois et à la terre est très radical et fonctionne bien. L’utilisation de la terre en enduit apporte de l’inertie, de la fraîcheur dans le bâtiment et donne en même temps un côté traditionnel.

 

J’aime beaucoup aussi le fait qu’ils aient pu récupérer quelques portes anciennes. Ça donne du cachet. Il y a de manière générale un grand soin apporté aux embrasures et aux encadrements des portes. Quand on est dans un enduit en terre, il y a des embrasures en bois –des tableaux un peu épais en bois travaillé, dans une belle finition. A l’inverse quand les murs sont habillés en bois, il y a un tableau métallique qui forme l’embrasure de la porte. On retrouve toujours cette logique de matière tranchée.

 

Bon, il y a des petits détails de suivi de chantier qui laissent toutefois à désirer. Notamment des découpes de bardage qui ne sont pas au niveau de cet hôtel de standing. Tu vois les , ça c’est pas possible. Quand un artisan te fait un coup comme ça tu lui demandes de trouver une planche qui fasse 10 cm de plus, tu le laisses pas . En plus 10 cm d’une planche qui a des épaufrures… De manière générale les petits détails de jonction, toutes ces petites finitions-là, ça dans un hôtel de haut standing, c’est pas possible. J’imagine qu’après on fait avec les artisans qu’on a…. Tu vois les , ça c’est pareil, ça va pas … y’a des choses qu’ils n’auraient pas dû laisser passer… C’est un peu dommage parce que ça diminue la perception de qualité du bâtiment alors que tout le reste est une réussite.

 

- C’est vrai que c’est un peu ni fait ni à faire… Même en tant que particulier tu fais pas ça…

- Après peut-être qu’ils étaient pressés par le planning, parce que dans le milieu hôtelier, chaque jour où tu n’ouvres pas est un jour de perte sèche de chiffre d’affaire. Les chantiers sont toujours très tendus dans l’hôtellerie-restauration, comme pour les commerces, une fois que les investisseurs ont lâché la monnaie, ils veulent que ça tourne, donc il y a une vraie urgence à livrer le bâtiment… »

larchicolin
Colin Verney
larchicolin@gmail.com

Architecte en itinérance autour du monde, à la recherche de petites perles laissées par ses confrères.

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