Connexion des membres
Articles favoris

You need to login or register to bookmark/favorite this content.

Corbu à Valpo

 

Architecte : HLPS

 

Année de réalisation : 2011

Fonction : centre culturel

On est à l'intérieur et à l'extérieur à la fois.

Le centre culturel du parc culturel de Valparaiso est une véritable déclaration d’amour à l’architecture moderne. Plongée dans un bâtiment qui fait, aujourd’hui, plus moderne que nature.

 

« Cet escalier, tu vois, est très intéressant. Surtout dans son retournement. Ils ont prévu le bon espacement entre les volées et du coup ce qui forme le pallier intermédiaire, c’est en réalité une marche. Et cette marche permet la fixation du garde-corps, elle est pile de l’épaisseur, en retour, de la volée montante. En termes de perception, c’est très intéressant. Du coup on est dans un barreaudage assez minimaliste et le garde-corps est comme renversé : cela donne un effet de croisement graphique très intéressant. Associé à une théâtralisation du mur du palier, c’est vraiment bien pensé.
Ça, malheureusement en France ce serait impossible, on ne pourrait pas le faire. En France on demande une continuité de la main courante pour les personnes déficientes visuellement notamment, et là on a aucun endroit on a une continuité de main courante.

Ce petit détail d’arrêt de la main courante au droit de la dernière marche, est également impossible à faire en France : il faut que la main courante reparte à l’horizontale sur au moins 20 cm, donc on ne pourrait pas avoir ce côté extrêmement pur de la main courante, à la façon d’un tube radical posé là.

- Ce qui est absurde car comme ça, cela ne pose pas de problème…

- Eh oui, mais on aime beaucoup les normes, et y’a une norme qui stipule comment on doit faire une main-courante… Par contre il n’y a pas du tout de prescription sur la forme de la main courante. Et tu vois une main courante comme celle-là c’est pas du tout pratique : c’est gros, carré, c’est pas du tout pratique à attraper… Ca on peut dire que c’est un pécher d’orgueil, parce qu’aucune main courante n’est agréable à prendre…

- Oui mais c’est joli.

- Oui, elles sont jolies. Mais tu vois c’est toujours un compromis que tu fais entre la fonctionnalité et l’esthétique, et sur ce point-là, aucun archi n’est irréprochable. On conçoit aussi un bâtiment pour les hommes, mais après chacun place son curseur là où il l'entend. Là, ils sont plus sur le curseur esthétique. C’est très réussi d’ailleurs.

(…)

- Là on est au premier étage et la continuité entre l’espace intérieur et extérieur est parfaite. Il y a une parfaite continuité au sol, sur la sous-face… ah non, d’ailleurs elle est pas parfaite, presque, y’a un léger décalage mais en tout cas y’a ce sentiment de continuité. Ça tient aussi dans le fait que les menuiseries sont très fines. Le mur semble vraiment très léger -ils ont utilisé des profils en acier et c’est ça qui fait la différence. Les profils en aluminium sont légèrement plus épais. Un profil en aluminium c’est 7 cm, un profil en acier c’est 5. Y’a que 2 cm de différence mais ça fait toute la différence dans la perception, on a l’impression que la menuiserie est vraiment légère. D’autant plus qu’on a ces grands pans de verre d’un seul tenant, ces portes énormes, qui paraissent d’autant plus énormes qu’elles sont désaxées.

(…)

On est typiquement dans la référence moderne tu vois. C’est très Corbuséen. Ce bâtiment est un hommage à Le Corbusier. C’est un bâtiment extrêmement sobre, axé sur la fonctionnalité. C’est d’ailleurs là où pour moi il y a parfois une petite ambiguïté dans la démarche, parce qu’il y a des choix purement esthétiques. Mais après tout, même si Corbu se targuait d’un fonctionnalisme poussé, il s’autorisait bien aussi quelques fantaisies…

Pourquoi une ode à Corbu ? Également dans l’utilisation des couleurs primaires, le noir et le jaune, c’est exactement les couleurs qu’on retrouve à La Tourette par exemple, tout comme le rouge. Ce qui est surtout assez frappant c’est le travail intérieur-extérieur. C’est une thématique qu’on retrouve beaucoup chez les modernes, avec la promenade architecturale : on a une variation dans les manières d’accéder dans les étages, la rampe, les escaliers. On est tout à fait dans la promenade architecturale.

 

J’aime bien le travail sur ces escaliers de secours qui sont à la fois structurels et qui permettent d’animer l’espace. Cette terrasse intermédiaire est très réussie, l’espace est très libéré. Il n’y a pas de poteau, il n’y a que des . Des voiles qui prennent une épaisseur. Il n’y a pas de verticale. Toutes les lignes sont traitées en oblique. C’est rappelé dans les garde-corps. Le travail est assez subtil. C’est la question de comment on descend les efforts sur un bâtiment. Le fait d’avoir à chaque fois des obliques de partout, ça renforce le côté léger de cette masse soulevée, suspendue dans les airs. Y’a un travail sur la sous-face qui est très réussie, dans la matière. On est dans un banchage en bois, traditionnel. La constante c’est que le béton, même s’il est grossier, il a une vraie matière, il a une belle texture. Même si tout n’est pas parfait, y’a des petits coins de calepinage qui ne sont pas tous maîtrisés, de manière générale l’effet est quand même réussi.

(…)

 

- Ca, c’est très réussi…

- Oui, c’est très réussi. . Comme le mur derrière est peint en jaune, du coup ça crée un jeu de lumière, un jeu intérieur/extérieur. On est dans un espace semi-couvert, c’est un mur qui permet de séparer les parties administratives des parties techniques. On est à l’intérieur et à l’extérieur à la fois. C’est d’ailleurs très fort en termes de typologie. C’est un peu comme si l’administration était un  au sein du bâtiment. Un espace imbriqué dans un autre espace.

(…)

 

- Ce qui est très réussi c’est la théâtralisation de l’entrée et la manière dont les espaces sont articulés, les volumes. Tu as cette espèce de diagonale, de qui fait l’entrée, A comme la première lettre et le début de toute chose et c’est en même temps l’espace où tu rentres dans la salle d’expo, c’est à partir de là que se déploie tout le bâtiment. Il y a une subtilité dans l’imbrication des espaces, dans le traitement des masses, du socle, ça c’est le digne héritage des modernes et c’est réussi. »

 
larchicolin
Colin Verney
larchicolin@gmail.com

Architecte en itinérance autour du monde, à la recherche de petites perles laissées par ses confrères.

No Comments

Post A Comment
X
- Entrez votre position -
- or -