
Au pied du Cerro San Cristobal, dans une ruelle calme et résidentielle, le surprenant bâtiment de l’école d’architecture de l’université catholique de Santiago nous enthousiasme.
« Tu vois c’est une sorte de superstructure colonisée. Ils sont partis de cette énorme boîte composée de poutres-treillis en lamellé-collé cérusé et ils ont décliné cette matière à l’intérieur, de manière très intéressante.
Le bâtiment commence par un socle en béton banché, avec une matière très affirmée : les planches qui ont été utilisées sont des planches brutes de sciage ce qui fait que le béton reste marqué par toutes les veines du bois. Les des planches du coffrage font que c’est très beau : il y a des ombres sur la matière, la lumière joue. La superstructure forme une boîte, suspendue par-dessus le socle, et qui est pensée comme une rue intérieure qui vient articuler les espaces. De cette double rue, tu dessers les locaux d’enseignement et les bureaux, qui donnent, eux, sur l’extérieur.
La superstructure joue sur l’ambiguïté : on hésite, on se demande si c’est traité en béton mais en fait c’est du bois lamellé-collé un peu blanchi par une céruse. Ce bois réinterrogé c’est véritablement ce qui fait le fil directeur du bâtiment.
- C’est vrai que c’est assez troublant cette matière…
- Oui, c’est à mon avis du lamellé collé cérusé. L’avantage c’est que tu as à peu près autant de colle que de bois donc ça fait un produit relativement stable… après, est-ce que c’est encore du bois, ça c’est un autre débat… Mais en termes de finition c’est quand même magnifique. C’est presque du béton tellement c’est lisse et régulier et pourtant ça n’a pas la froideur du béton, ça a la matière du bois, mais très atténuée, très lisse, et c’est utilisé en extérieur comme en intérieur. Je sais pas quel âge a ce bâtiment, mais en tout cas de ce qu’on a vu c’est encore nickel. Ce serait intéressant de voir comment il va vieillir... En tout cas ça donne des ambiances très douces, c’est un très beau projet.
- Je trouve que c’est une architecture qui fait la part belle aux escaliers. Ça rappelle beaucoup de choses qu’on a vu ici au Chili : les escaliers sont souvent le point central des bâtiments que l’on a visité dernièrement…
- En fait il y a souvent une mise en scène de la montée dans les étages, une générosité dans les circulations qui sont données. Tu vois, quand on y regarde de plus près, les locaux sont assez petits mais il y a vraiment de la place pour les circulations, parce que le couloir est doublé, ce qui crée de l’ampleur. Donc même s’il n’y a pas énormément de lumière dans cet espace -puisque finalement dans cette double rue il n’y a que les extrémités des couloirs qui apportent de la lumière- on a un sentiment d’espace parce qu’on peut choisir son chemin : on peut faire le tour de chaque étage, revenir par un chemin différent de celui qu’on a emprunté à l’aller. On ne se sent ainsi pas du tout enfermé.
Et la matérialité chaude du bois fait que tu es dans un endroit qui est très agréable, qui est réconfortant. Il y a également un travail sur les jeux entre niveaux, les double hauteurs, les patios intermédiaires, des atriums, des jeux de regard qui vont se faire et qui vont agrémenter la promenade architecturale.
C’est un bâtiment qui est dans une échelle juste, tu vois, tout est bien proportionné. C’est l’opposé du bâtiment juste à côté, l’école de design, où on a l’impression que c’est un peu étriqué, où il y a certes des circulations, mais qui restent principalement utilitaires. A l’inverse ici, on a une vraie générosité dans les circulations. Quand tu arrives, la circulation ici se transforme en espace d’accueil, ensuite elle se dilate pour , puis devient salle de pause avec une petite cuisine ou encore sanitaires, espace de travail collectif/réunion. Donc cet espace central, qui est l’épine dorsale du projet, va abriter de nombreuses fonctions tout en laissant une part d’inattendu. Elle laisse une part à ce que le concepteur n’avait peut-être pas prévu au départ. Elle laisse la possibilité tout simplement de respirer.
J’aime beaucoup également le travail sur la ; la signalétique c’est le genre de petit détail qui est souvent oublié. Souvent c’est la fin du chantier, il faut livrer le bâtiment et c’est extrêmement fastidieux de mettre sur chaque porte le petit autocollant correspondant. C’est pas grand-chose, c’est juste un sticker noir, ça semble tout simple, mais en conception ça demande beaucoup de temps. Alors qu’ici, chaque porte est avec le nom de celui qui occupe le bureau, il y a des pictogrammes soignés sur tous les espaces partagés. C’est ce petit plus du quotidien, un soin du détail, qui est appréciable.
(…)
- Tu vois ce petit détail de ? On voit là encore qu’ils avaient des moyens… C’est un détail représentatif du niveau de prestations du projet. Parce que la plinthe est exactement dans le même nu du mur, il y a juste un petit joint creux qui espace le nu du mur de la plinthe.
- Je ne comprends pas en quoi ça montre qu’ils avaient les moyens…
- Une plinthe c’est fait pour protéger le bas du mur, c’est-à-dire quand tu laves à grande eau, l’humidité va remonter et si t’as pas de plinthe, le risque c’est que des moisissures se développent. Donc non seulement la plinthe va retenir l’humidité et empêcher l’eau de remonter, mais si tu as un gros dégât des eaux tu n’as qu’à changer la plinthe. C’est bien moins cher que de refaire du plâtre, qui implique ensuite de repeindre toute la pièce puisque tu ne peux pas repeindre uniquement un pan de mur.
Pour des raisons coupe-feu et acoustique, la plaque de plâtre du mur descend jusqu’au sol et se fixe sur le rail de l’ossature. Donc le problème habituellement de la plinthe c’est qu’elle est rapportée contre la plaque de plâtre, ce qui crée une surépaisseur qui n’est pas très gracieuse. Quand tu ne veux pas avoir cette surépaisseur, ce que tu fais c’est que tu rajoutes sur toute la hauteur du mur une autre plaque de plâtre de la même épaisseur que la plinthe, ce qui fait que tu te retrouves dans le même nu, dans le même plan. Acoustiquement c’est mieux parce que tu as plus de masse dans le mur, et en finition c’est super esthétique parce que tu es dans le même nu sur toute la hauteur de la cloison. Mais ça, ça coûte bien plus cher évidemment.
- Et le fait d’avoir une cafeteria terrasse, qu’est-ce que tu en penses ? Personnellement j’aime bien parce que souvent les terrasses en toiture sont réservées à la direction alors qu’ici tout le monde en profite. L’espace est vraiment sympa, on est à la fois protégés, par rapport à une terrasse en rez-de-chaussée où tout le monde pourrait venir, et à la fois on s’ouvre sur la ville et la colline.
- Oui, ça crée vraiment un lieu de vie, de réunion, c’est tout à fait adapté à un bâtiment universitaire. C’est également ce qu’on avait vu au Campus Creativo : concevoir des espaces intermédiaires c’est crucial, ce sont les meilleurs endroits que l’on puisse créer pour que ce soit agréable à vivre pour les usagers. C’est de l’overscoring : c’est quand non seulement tu coches toutes les cases du cahier des charges, mais que tu dépasses en plus les attentes du programme.





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